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MERGVRK DK FRANGE— 16-1 -1909
les Tragédies grotesques» troisième roman de la série intitu
lée : le Passé.
C’est sur un paysage d’automne parisien, au Luxembourg, que le
rideau se lève, car elle sedéroule tout entière à Paris, la tragédiegro
tesque qui fait le sujet du roman bien espagnol pourtant de Pio Ba-
roja. L ’auteur de l’admirable Camino de perfection et de la Basca
aime d’ordinaire à faire voyager ses héros, et il les a cette fois trans
plantés hors de la Péninsule, pour essayer de faire d’eux des Pari
siens accomplis : ça leur réussit plutôt m al! Don Fausto Bengoa,
exilé par le gouvernement de la reine Isabelle, est venu aux der
niers temps du second Empire porter ses pénates à Paris. Vieillard
simpliste et bon enfant, il n’échappe pas cependant à l’excusable tra
vers, naturel à tout persécuté politique,de se croire un homme néces
saire à la bonne cause. D ’ailleurs il a des lettres : il admira Us
Misérables et les Mohicans de Paris et a fini par découvrir que
la rue Plumet quijoue dans ces pathétiques romans un si grand rôle
n’est autre quo la m e Oudinot; car il s’amuse à explorer la capitale
en archéologue parfois touché de la grâce du poète. Mais tandisqu’il
apprend peu à peu à connaître l’intime Paris des quartiers solitaires
aux vieux hôtels d’élégance sobre, aux grandsjardins pleins de silence
et d’ombre, tandis qu’il arrive même à se convaincre de la beauté do
Paris lorsqu’il s’estompe dans la brume, Clémentine, sa femme, qui
préfère aux Gobelins et à Croulebarbele mouvement de la rue de la
Paix, va faire elle aussi,mais de toote autre fsçon, son apprentissage
de Parisienne. Cette ancienne modiste madrilène, type accompli de la
petite bête superficielle, simiesque, puérile et dangereuse qu’est trop
souvent la citadine espagnole, avide de luxe et de fortune pour
elle-même et pour ses deux filles quelle tient, coûte que coûte, à
marier richement, elle a l’ambition, selon son joli mot, de « voir
prospérer la famille » : et comme, pour toute femme bien née, le
mari en est si peu, de la famille, c’est don Fausto qui va trinquer.
Elle trouve d’ailleurs en la personne de Mme Savigny la plus
experte des initiatrices : vraie Parisienne, ancienne modiste elle-
même, cette petite vieille désinvolte aux lèvres peintes devient vite
la confidente, la conseillère de Clémentine, l ’arbitre des élégances et
comme la maîtresse de cérémonies de ce monde d ’authentiques restas
quigravite autour de la femme et des filles de Bengoa. Elle aidera
Clémentine à caser ses deux filles,elle lui procurera, pour elle-même,
d’avantageux... placements. Et don Fausto, qui s’est déjà découvert
Parisien, même par temps de brume, saura encore, pour notre édi
fication, se découvrir philosophe. Vraiment, n’est-ce pas là le m eil
leur du roman que l’exemplaire histoire de ce pauvre homme, de
caractère pacifique, un peu médiocre, mais capable tout de même de
bien des délicatesses, comme de savoir se résigner aux frasques su c
Page:Mercure de France, t. 77, n° 278, 16 janvier 1909.djvu/166
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