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EDGAR POE ET SES AMIS[1]

L’allégation qu’« Edgar Poe n’avait pas d’amis » a été depuis longtemps réfutée. Si abreuvé qu’il ait été, au cours de sa carrière, par les chagrins et les infortunes, il fut fréquemment réconforté par les bontés et la fidélité d’amis sûrs. Il y avait, chez ce poète, une fascination qui attirait et retenait la sympathie des individus les plus divers. Et il est utile de dire quelques mots sur ces personnes, puisque leur caractère et leur situation projettent quelque lumière sur Poe.


                                                    In companions
That do converse and waste the time together…
There needs must be a like proportion
Of lineaments, of manners, and of spirit.

Un homme a généralement pour premier et meilleur ami, sa mère, mais celle de Poe mourut avant qu’il eût atteint ses trois ans révolus, laissant à la merci du monde trois enfants en bas âge. Le grand-père, le général Poe, dont les ressources se trouvaient fort réduites par de lourdes charges contractées pour le service de son pays, ne put recueillir que l’aîné des fils. Les deux plus jeunes, frère et sœur, furent adoptés par des étrangers. Un Écossais, sans enfants, qui s’était fait aux États-Unis une situation prospère, prit Edgar. Sa femme fit

  1. À l’occasion du Centenaire de la naissance d’Edgar Poe, Mr John H. Ingram a bien voulu autoriser le Mercure de France à publier l’esquisse suivante qui paraît dans le numéro de ce mois de la revue bibliographique The Bookman>, de Londres. Auteur d’un grand nombre de savants ouvrages historiques et biographiques, Mr John H. Ingram s’est acquis une réputation universelle par ses remarquables travaux sur Edgar Poe et son œuvre : dès 1874, il publia la première édition complète des œuvres de Poe, accompagnée d’un mémoire ; en 1880, une biographie de Poe, faisant justice de maintes calomnies et tenue en très haute estime ; en 1884, une édition des Tales and Poems, avec un essai biographique et des illustrations de Daniel Vierge, et, la même année, dans la « Collection Tauchnitz », les Tales, et les Poems and Essays with a new memoir ; en 1855, il donna une édition de The Raven, avec un commentaire, et enfin en 1888, les Complete Poetical Works, avec annotations et un mémoire. Tous ces ouvrages ont été réimprimés maintes fois. Mr John H. Ingram, qui n’a pas cessé d’étudier Poe et de rassembler sur lui toute la documentation possible, publie aussi, pour le centenaire, dans la « Muse’s Library » des éditeurs Routledge and Sons, une édition nouvelle des œuvres poétiques d’Edgar Poe, précédée d’une introduction qu’il intitule : Edgar Poe : A Sketch.