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LES SOUTIENS DE L’ORDRE ser le lieutenant Fouilloux lui assurerait une vie heureuse et libre. N ’exerçait-il pas ce métier des armes dans lequel les siens, autrefois, avaient conquis leur noblesse? Maintenant, les préjugés qu’elle respectait dans sa vie mondaine, pour en prendre plus de plaisir à les violer dans ses actions secrètes, renaissaient, plus vivants quejamais, pour elle. Elle les écoutait, et en éprouvait l’écrasement. — Ne trouvez-vous pas, monsieur l’abbé, que ma fille en­ graisse? disait, quelques jours après, Mme de La Musardière à M. l ’abbé Picquenet venu en visite au château. M. l’abbé Picquenet jugea, en effet, que l’embonpoint de MUt de La Musardière augmentait. Il lui parut que celui-ci témoignait d’une belle santé. Il en conclut que la vie plus calme et plus pieuse qu’elle menait lui était profitable. Ily vit même la preuve de l’excellence de sa morale. Un matin, Mmc de La Musardière reçut une lettre de sa sœur, Mllede Phocans.La vieillefilles’ennuyait. Elle adressait sa bénédiction aux nouveaux mariés, et exprimait le plaisir qu’elleéprouverait dans la société de sa nièce Lucile durant l’hiver. M,,e Lucilede La Musardière reconnut aussitôt un hasard heureux et providentiel. Il lui sembla qu’elle était sauvée. Ce départ pour Tours, où Ml,e de Phocans vivait dans une soli­ tude absolue, en (’éloignant de sa famille, luidonnaitl’illusion de l’éloignement de ses soucis. Certes, elle ne songeait pas à avouer quelquejourà sa tante,M,,cdePhocans,la causede son effroi de l’avenir ;ja vieillefille,pensait-elle,en mourrait de sai­ sissement; mais il lui paraissait plus facile d’écrire de là-bas à ses parents, ce qu’elle n’aurait jamais osé même insinuer en leur présence. M“e de La Musardière s’inquiéta de ce désir de sa fille Lucile, de fuir dans une retraite aussi lointaine. Mmeet M. de La Musardière avaient décidé d’aller habiter à Vince, durant l’hiver,auprès des nouveaux mariés. Mmede La Musardière se réjouissait d’avance, rien qu’à songer qu’elle brillerait dans la société du chef-lieu, où elle tiendrait salon chez sa fille Chris­ tine. Elle y voyait le moyen de trouver pour Lucile l’occasion d’un mariage digne de leur famille. Mmede La Musardière lui représenta les avantages d’un séjour à Vince, et l’ennui dont elle languirait auprès d’une vieille tante, à laquelle un estomac