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MERCVRE DE FRANCE—i-i-1909lyse des drames, c’est-à-dire ni faits, ni textes, mais une construc¬
tion philosophique curieuse, qui aboutit à dresser une sorte d’Ibsen
symbolique, imaginé par l'auteur.L’ouvrage comprend deux parties, dont la première-est intitulée :
« Morale de l’Anarchie », et la seconde : « Sur les glaciers de l'in¬
telligence ». L’anarchie dont il s’agit ici se concilie avec une morale
rigoureuse et pure, qui réalise la liberté par l’exercice d’une volonté
forte soumise à la raison. Elle développe un moi excessif et solitaire.
La vérité est le guide, l’intelligence est le moyen d’action par excel¬
lence. De froids idéals peuvent être conçus. Gela conduit à trembler
de tous ses membres, « couché dans le désert glacé où l’empire du
moi ne connaît pas de limites ». Etre « soi-même » de la sorte, c’est
renoncer à l'amour, qui consiste essentiellement à n’être pas soi-
même. « Pour se rendre plus noble, et pour croire à sa noblesse, le
'moi se fait tout esprit. 11 abdique volontiers les passions, et, loin de
l’instinct, il s’intronise dans le royaume mort de. la connaissance. »
Et nous voilà sur ces glaciers de l’intelligence, où nous est représenté
un Ibsen vieilli, impassible dans sa solitude, amer, insoucieux du
succès, redoutant la mort, et regrettant de n’avoir pas vécu.Pour compléter ce portrait, celui de Tolstoï lui est opposé, grand
par le cœur et non par l'intelligence, heureux et souriant à la mort
prochaine.Il est curieux de constater avec .quelle facilité se forment les lé¬
gendes sur Ibsen. Celle-ci n’est pas sans intérêt, et même il arrive
parfois que certains détails de sa nature ou certains aspects de son
œuvre sont biens saisis et nous présentent un Ibsen vrai. Mais dans
l’ensemble elle n’offre qu*un portrait imaginaire, qui sert à l’exposi¬
tion d’une théorie assezconfuse, où Ibsen aurait eu peineà se retrou¬
ver.P.-G. LA CHESNAIS.VARIÉTÉSLes femmes auteurs en 1840. — Je me suis souventétonnée qu’à notre époque où les femmes auteurs accaparent toute
l’attention — les femmes de plume, comme m’écrivait un corres¬
pondant — je me suis étonnée donc qu’il ne se trouvât pas un ingé¬
nieux industriel de littérature pour réunir en un volume et offrir à
l’avide curiosité du public leurs biographies, ou autobiographies,
avec portraits et autographes. Si chacune des intéressées souscrivait
seulement pour un exemplaire, le tirage serait déjà respectable, et
la vente de la publication assurée.Cette idée d’ailleurs ne m’appartient pas. Elle a été mise à exécution
pour leurs sœurs aînées dans un ouvrage édité en i84i : les Femmes