tement en dehors des possibilités qui se présentent
fréquemment, ou même rarement seulement, dans la vie de quelqu’un ; que
c’est la première fois que le livre en question parle un langage
qui prépare une série de possibilités nouvelles. Dans ce cas, il
se produit un phénomène extrêmement simple : on n’entend
rien de ce que dit l’auteur et l’on a l’illusion de croire que là
où l’on n’entend rien il n’y a rien… C’est l’expérience que j’ai
faite dans la plupart des cas et c’est, si l’on veut, ce que mon
expérience personnelle présente d’original. Celui qui croit
avoir compris quelque chose dans mon œuvre s’en est fait
une idée à sa propre image, une idée qui, le plus souvent, est
en contradiction absolue avec moi-même. On fait de moi, par
exemple, un « idéaliste ». Quand on n’a rien compris du tout,
on se contente de nier ma valeur, on dit que je n’entre pas
en ligne de compte.
Le mot « Surhumain », par exemple, qui désigne un type de perfection absolue, en opposition avec l’homme « moderne », l’homme « bon », avec les chrétiens et d’autres nihilistes, lorsqu’il se trouve dans la bouche d’un Zarathoustra, le destructeur de la morale, prend un sens qui donne beaucoup à réfléchir. Presque partout, en toute innocence, on lui a donné une signification qui le met en contradiction absolue avec les valeurs qui ont été affirmées par le personnage de Zarathoustra, je veux dire qu’on en a fait le type « idéaliste » d’une espèce supérieure d’hommes, à moitié « saint », à moitié « génie »… D’autres bêtes à cornes savantes, à cause de ce mot, m’ont suspecté de darwinisme ; on a même voulu y retrouver le « culte des héros » de ce grand faux monnayeur inconscient qu’était Carlyle, ce culte que j’ai si malicieusement rejeté. Quand je soufflais à quelqu’un qu’il ferait mieux de s’enquérir d’un César Borgia que d’un Parsifal, il n’en croyait pas ses oreilles.
Il faudra me pardonner si je suis sans aucune curiosité à l’endroit des comptes-rendus de mes livres, surtout en ce qui concerne ceux qui paraissent dans les journaux. Mes amis, mes éditeurs le savent et ne m’en parlent jamais. Dans un cas particulier, il m’est arrivé d’avoir sous les yeux tous les péchés qui ont été commis au sujet d’un de ces livres. Il s’agissait de Par delà le Bien et le Mal et je pourrais en conter long à ce sujet. Croirait-on que la Gazette nationale, un journal