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tiers Jacquart ou des fondeuses automatiques de caractères. Ce mot de mécanique fait horreur à bien des artistes, parce qu’il leur donne l’idée d’un art sans rythme et sans nuances : cela tient à ce que, jusqu’à ses dernières années, on avait à peine dépassé le cruel orgue de Barbarie. Mais on étudie en ce moment les moyens de reproduire aussi les intensités relatives ; le problème n’est pas insoluble, et des instruments tels que l’Æolian ou le Pleyela donnent déjà des résultats assez satisfaisants. Quant à la production artificielle des timbres, l’orgue de nos églises s’y essaye depuis un nombre respectable de siècles, et arrivera certainement à une imitation beaucoup plus parfaite, le jour où il pourra nuancer, au lieu d’étaler les sons en une nappe uniforme. Il faut dire aussi que l’orgue est une machine bien primitive, où tout se fait par des leviers lourds et rigides ; il est urgent de lui appliquer l’électricité, qui permet, grâce aux variations de résistance, une souplesse inconnue aux appareils de contact direct.

Tel sera le premier stade de ce développement : un orgue mécanique et perfectionné, qui imitera, par des jeux d’anches, de tuyaux, de membranes, de plaques et de cordes, toutes les voix de l’orchestre. Ainsi seront supprimés ces intermédiaires, jusque-là indispensables, entre le compositeur et l’auditeur, qui se nomment les exécutants. La situation actuelle d’un musicien est celle d’un peintre dont on ne verrait jamais les tableaux, mais seulement des copies. Le chef d’orchestre est un marchand de copies, ceux qu’il dirige sont ses employés ; c’est un négoce qui disparaîtra. Tranquille, dans son cabinet, à sa table, de temps en temps au clavier de son petit orgue d’essai, l’auteur disposera ses sonorités et en réglera, d’une façon définitive, les proportions incessamment variables : tout ce qu’il aura voulu sera réalisé, et les temps seront révolus où le meilleur moyen de bien apprécier une œuvre d’orchestre était d’en lire la partition, non de l’entendre : ce sont les temps présents.

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Mais on peut rêver encore un autre progrès. Après avoir imité les instruments anciens, l’orgue découvrira des ressources nouvelles, et voici comment. Le timbre d’un instrument répond à une vibration d’une certaine forme, où l’ana-