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MERCVRE DE FRANCE — 1-XII-1908

Allemands et non pas seulement chez les Allemands vieux, on comprendra aussi l’origine de l’esprit allemand… de cet esprit qui vient des intestins affligés. L’esprit allemand est une indigestion, il n’arrive à en finir avec rien.

Pour ce qui en est du régime anglais qui, si on le compare au régime allemand et même au français, apparaît comme une sorte de « retour à la nature », c’est-à-dire au cannibalisme, elle est profondément contraire à mon propre instinct ; il me semble qu’elle donne à l’esprit des pieds pesants — des pieds d’Anglaises… La meilleure cuisine est celle du Piémont.

Les boissons alcooliques me sont préjudiciables. Un verre de vin ou de bière par jour suffit largement pour que la vie devienne pour moi semblable à une vallée de larmes. C’est à Munich que vivent mes antipodes. En admettant que j’aie appris cela un peu tard, dès mon enfance j’en avais fait l’expérience. Lorsque j’étais gamin, je m’imaginais que de boire du vin et de fumer, ce n’est au début qu’une vanité de jeune homme et plus tard une mauvaise habitude. Peut-être bien que le vin de Nauembourg a contribué à provoquer chez moi ce jugement un peu dur. Pour croire que le vin rassérène, il faudrait que je fusse chrétien, je veux dire qu’il faudrait que j’eusse la foi, ce qui est pour moi une absurdité. Chose curieuse, si les petites doses d’alcool très dilué me mettent de mauvaise humeur, les fortes doses font de moi un véritable matelot. Dès mon plus jeune âge je mettais à cela une sorte de bravoure. Rédiger une longue dissertation latine en une seule veillée nocturne et la mettre au propre, avec l’ambition dans la plume d’imiter, par l’exactitude et la concision, mon modèle Saluste ; verser sur mon latin quelques grogs du plus fort calibre, quand j’étais élève de la vénérable École de Pforta, tout cela n’était nullement en contradiction avec ma physiologie, ni même avec celle de Saluste — quoi qu’en puisse penser la vénérable École de Pforta.

À vrai dire, plus tard, vers le milieu de ma vie, je me décidai, de plus en plus, contre l’usage de toute espèce de boisson spiritueuse. Moi qui suis, par expérience, l’adversaire du végétarianisme, tout comme Richard Wagner, qui m’a converti, je ne saurais conseiller assez énergiquement l’abstention absolue de l’alcool, à toutes les natures d’espèce spirituelle. L’eau fait l’affaire… J’ai une prédilection pour les endroits où l’on a