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à se relever. Alors elle s’aperçut que le commis du rayon des chemises était tout près d’elle. Il avait suivi pieusement la cérémonie… Il se tenait devant Marguerite, qui lui disait avec un sourire :

— Nous allons nous rafraîchir… Vous viendrez bien avec nous.

Les intimes gravirent le coteau. Là-haut était le « Moulin », une humble auberge où les gens de Beaumont, au temps des beaux jours, allaient prendre un verre. Tous s’assirent dans le jardin autour d’une vieille table. On entendait les cris d’oiseaux d’une escarpolette. Comme le jeune homme s’installait près d’elle, Mme Sableux, machinalement, se leva pour lui faire place à côté d’Annette…

Du tertre, ils apercevaient toute la ville. On eût pu montrer chaque maison : ici la boutique à Ternaux, plus loin, celle des Colliard, et à droite, dans un renfoncement, le Bélier d’Or, le pauvre Bélier d’Or « fermé pour cause de décès » et que, d’ailleurs, on ne rouvrirait plus. Le magasin était au-dessus de tout. Il dominait la gare et l’église. Sa façade neuve éclatait dans le jour léger. Des rayons frappaient les plaques de faïence qui jetaient des feux comme des pierres précieuses. Annette regardait au loin. Le vent avait séché ses larmes. Elle sentait confusément que tout le passé, derrière elle, était bien mort et qu’elle allait marcher désormais vers des temps nouveaux.

pierre villetard.