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a8a MERCVRE DE FRANCE— 16-xi-1908 MES FOUS LE LEGS Nous atteignions l’allée des tilleuls, l’ endroit le plus soli­ taire. « La souffrance exalte les plus humbles impressions. Je vivrai désormais avec le silence. Venu à cette matinée pour m’ attacher définitivement le seul ami qui ait deviné la douceur sous le désastre, peut-être ne souffrirai-je plus du balbutie­ ment de ténèbres ? » Sa voix ramenait sans efforts .dans la vie la stupeur de VAtroce. La pénétration fulgurante des mots déchirait la nuit de son cerveau. Vous n’ avez pas cru à l’ignominie chuchotée : il faut écarter du monstre les enfants. Vos cygnes, sur l’étang, là-bas, ont une coulée résignée et pâle, ainsi désormaisla flottille de mes pensées dans mon équi­ voque solitude. Je m’étais réfugié, il y a quelques années, au bord de la mer, afin de retremper au bain des rêves l ’agilité du cerveau. J’ errais morne. Le Hasard fantasque me donna la force qui m’ a saisi tout entier. De toute femme, dont on a été le jeune ami, demeure l ’asser­ vissement au souvenir d’ un bercement. Sans ruse mutuelle nous nous étions aimés. Pour avoir joué dans quelque musi­ cale pantomime, elle devait au théâtre ce joli coulement de la marche si peu rare chez les bohémiennes. Sa figure, quoique pâlie et engraissée, n’ avait point perdu l’ embellissement des anciens caprices. La causerie avait transformé notre connaissance, improvisée au coin d’ une rue, dans sa loge, en une subtile amitié. La même confraternité de goûts pour la mollesse crépusculaire des pièces de repos et la clarté des rieuses salles à manger nous lia plus étroitement encore. Elle savait mettre ce rien de perversité dans le plus aimable confort qu’adorent les