Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/88

Cette page n’a pas encore été corrigée

MERCVRE DE FRANCE— 16-xi-1908 vantable masure, quelque chose comme la loge de concierge du Ciel, iladitàDieu:«Entrez!» — Oui, fît d’Aurevilly, le protestantisme pour l’art c’est Dieu ennuyeux. Je repris : — La cathédrale de Dordrech a dû être autrefois d’une grande magnificence. — Mon cher Abbé, dit d’Aurevilly, cette superbe cathédrale me rappelle que la Hollande est le pays des Elzévirs, pays complet pour les arts, l ’architecture, la poésie, ne fût-ce que Jacob Câts, pays des grands fleuves, de la peinture immortelle, des marins de génie, de la fierté nationale et du patriotisme. C’est frappant, comme toutes les grandes choses se tiennent dans un pays: un grand sentiment allume les grands sentiments et quand une erreur n’est ni combattue ni déshonorée, elle devient épidémique et abâtardit un peuple entier. Mais ici quelle émulation de noblesse et de grandeur ! Je revins à Victor Hugo et à sa description des stalles de la cathé­ drale : « La majesté de l’ensemble n’est égalée que par la perfection du détail. Pas un profil qui ne soit la grâce ou la beauté, pas un torse qui ne soit un miracle de modelé, pas un pli de robe qui ne réalise tout un idéal d’élégance et de distinction, pas un ornement qui n’é- puise l’écrin de l’arabesque et de cette flore délicate propre aii ciseau savant de la Renaissance. Profusion, goût, qualité, conception, finesse, aspect monumental et somptueusement décoratif, tout est là. » Voilà la gloire, dis-je et, voici les lamentations, écoutez, maître : « Eh bien, tout cela tombe en ruine ou à peu près. De grands trous arrêtent tout à coup votre pied sur l’inégal plancher des stalles, des jours disjoignent les panneaux, l’arête des sculptures, les figures offrent le poli de l ’usure et la balafre d’on ne sait quels coups de sabres stupides....... Le marteau du calvinisme a meurtri ce chef- d’œuvre, le fumier de l’empire l’a pourri..... Rien n’est comparable à la fécondité de l’homme, si ce n’est sa faculté de destruction. Il mas­ sacre un édifice qu’il a magistralement construit et paré, puis il oublie. Cela était, cela n’est plus, voilà tout. » Eh bien! dis-je à d’Aurevilly,que pensez-vous de cette page? — Je pense, répondit-il, que Victor Hugo a raison et a mis là plus de tristesse et de larmes méritées que partout ailleurs. Il nous montre ce qui est vrai, et il est compétent, que le catholicisme artistique vaut au moins le siècle de Périclèe et d’Alexandre. Il ne copie pas. II s’en­ flamme et il surpasse en quantité et en qualité. L ’idée, elle, a l’âme du monde pour territoire et pour empire. Son royaume nulle part,