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MERCVRE DE FRANCE— i 6-jem908 Bonald. Ils croyaient « y voir la vérité sociale découlant des hauteurs bibliques et ne faisant du monde chrétien et du monde politique qu’ une seule vérité ». Là-dessus, c’ étaient des soupirs, des serrements de mains, et des larmes abon­ dantes. Ils auraient mieux fait, peut-être, de s’ ingénier aux di­ vertissements de leur â<*e ; mais cela nous eût privés de qua­ rante volumes, tous sublimes par leur divagation. M. de Maistre partageait alors avec M. de Bonald la direc­ tion de la jeunesse. Quoique chrétien, Lamartine n’àdopta pas ce philosophe, que pourtant il lui fut donné de fréquenter quelques jours dans l’intimité. C ’est que l’auteur du Pape lui était imposé, non par Elvire, mais par des hôtes de campa­ gne, qui eux-mêmes goûtaient peu la théorie de l’absolutisme : ils avaient, en effet, l’ expérience toute fraîche de la tyrannie impériale. Ajoutons que, dans la société des Rostopchine, des Vorontsof, des Galitsyne, M. de Maistre avait pris un tour incisif, paradoxe, ironique, agréable sans doute aux disciples russes de VEncyclopédie, mais dont s’effrayaient les pieux Français de 1820. U avait beau combattre Voltaire:so n esprit le faisait un homme du x v m e siècle, que même on soupçonnait de jacobinisme. Retour de Scythie il pensait comme Ovide chez les Gètes : H ic barbarus ego sum, quia non intelligor illis. Ainsi, Lamartine tenait avec toute la France pour une sage liberté, que la monarchie constitutionnelle semblait garantir : le ministère Polignaclui fit l’ effet d’une « déclaration deguerre en pleine paix, détachant du roi l’ opinion nationale dans le sens libéral du mot ». Appelé par M. de Polignac dans les bureaux du ministère, il refusa d ’aller « mettre la main à une pâte où il voyait trop fâcheux ferments ». Sentant les ap­ proches d’un coup d’Etat, après le 16 mai i 83o, il se dit « pé­ nétré de douleur, d’effroi, et de courage cependant, prêt à combattre à droite et à gauche, là des insensés, ici des force­ nés et des coquins ». La nouvelle des journées de juillet le trouva dans ces dispositions juste-milieu : grâce à l’élan du peuple parisien, les institutions de i 8 i 5 étaient sauves ; et d’ autre part, on avait contre l’anarchie, c’ est-à -dire contre ce même peuple de Paris, « un gouvernement improvisé, fortifié de tous les vœux de la classe moyenne, de toutes les lumières et de bonnes intentions ». Ce début nous aide à concevoir le