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la Gouine, qui a fait quatre cents visites cet hiver ; puis, celles qui ne sont pas les moins répugnantes : les dames de charité. Atmosphère de vice rare, élégant et superficiel, papillotage, bruit des antennes de tous les hannetons battant aux vitres, voilà ce livre de satires « bien plus narquoises que sévères » où Lecomte occupa les loisirs d’un talent généreux.


VI

Mais des tâches plus hautes tentaient l’écrivain. Quelques figures de prédilection : Herbeaux dans Suzeraine, la grand’mère Rosalie dans le Veau d’or, Loriol dans les Cartons avaient proclamé ces imprescriptibles droits à la justice et à l’amour, vers lesquels les patries comme les individus ont le devoir d’aspirer dans le constant effort de leurs énergies. Et Rouville lui-même, au milieu des Valets, devant Caucal fai­sant le virulent procès du régime, avait nettement dit : « Qu’est-ce que vingt-cinq ans dans l’histoire de l’humanité ? Il faut laisser aux lentes évolutions le temps de s’accomplir. Toute philosophie nouvelle trouve, au moment voulu, ses apô­tres qui en hâtent le triomphe. Même elle peut grandir par sa seule force, quand les apôtres défaillent. Et cela vaut mieux, car on n’a pas de Christ à adorer. Ayons confiance et tra­vaillons selon nos moyens. » C’était, en peu de mots, passer, pour l’auteur, du pessimisme amer des Valets à l’optimisme ardent et rayonnant de l’Espoir. Partant de ce dessein, repre­nant le mot de Rouville, Georges Lecomte entreprenait dès lors d’écrire le livre, le noble et beau livre de la régénération de la France républicaine par le travail, l’acharnement à vivre et par l’espérance en des fins meilleures.

C’était là une tâche qu’on n’avait point tentée encore dans le roman. Émile Zola, dans sa longue série, avait conduit la société impériale jusqu’à la Débâcle ; Octave Mirbeau, dans le Calvaire, avait achevé de peindre de la guerre des images puissantes ; Paul et Victor Margueritte avaient écrit la Commune, Geffroy l’Apprentie. Mais nul n’avait retracé cette époque difficile qui commence au moment des atroces fusillades de mai pour aboutir au grandiose réveil de toutes les activités économiques, savantes, artistiques et littéraires des années 78 à 80. Cette période de reconstitution, de reconstruction et d’affermissement de la France relevée enfin des m aux de la