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LA NATURE LIBÉRATRICE


LA NATURE LIBÉRATRICE




Ô douceur du matin dans la pâleur mouillée
Du ciel ; aurore blonde et pure agenouillée
Sur les tapis de fleurs, le fleuve et le gazon…
Ô douceur, ô beauté calme de l’horizon ;
Délicate clarté du jour qui point à peine ;
Pins aux rameaux voilés, au milieu de la plaine,
De l’écharpe d’argent des nuages légers.
Ô douceur pénétrant les arbres des vergers
Dont les branches au poids de leurs beaux fruits s’inclinent
Vers l’herbe épaisse et tendre ; abeilles qui butinent
Le liseron dont l’urne est un écrin vivant ;
Tournesols éployés sous le soleil levant ;
Ô lierres étreignant le sein du sycomore ;
Courbe du grand coteau qui peu à peu se dore ;
Mur sombre des forêts qui mettent des vapeurs
Vertes dans les lointains ; éclatantes lueurs
Qu’accrochent les rayons aux vitres des chaumières ;
Balancement des lys et des roses trémières ;
Prairie où fuit l’éclair des ruisseaux argentés ;
Flots de l’étang qui dort ; vagues blondes des blés
Se creusant aux baisers du vent frais qui s’élève ;
Rosiers dont chaque fleur semble un odorant rêve
Qui pour vivre a besoin de lumière et d’azur
Vallée au loin tendant sa coupe au soleil ; pur
Gazouillement d’oiseaux dans les fouillis des chênes ;
Rainettes coassant sur le bord des fontaines ;
Elancement joyeux de l’hirondelle ; ardent
Eclat des prés ; vertige débordant
De ta vie éclatante et farouche, ô Nature !…