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354 MERCVRE DE FRANCE— i6- x i-j 908 gressive manifestée par l ’art lusitanien, depuis ses origines ju s qu ’au premier tiers du x i x e siècle, et forment un heureux complément a ux judicieuses opinions critiques de Portugal à VExposition et d’O Legado Valmor. En même temps, ceux qui ont pu lire a u x pages du Portugal Contemporain le chapitre éloquentque José de Figuei- redo consacre aux artistes lusitaniens d’aujourd’hui désireront sans doute que toute cette matière intéressante et peu connue serve bien­ tôt à former un précis historique intégral de l ’art portugais jusque maintenant. Dès aujourd’hui, nous savons que le mariage intime de l’influence flamande et du sentiment portugais était en passe de faire éclore une école autochtone, quand survint l’envahissement du jésuitisme et la chute de la nationalité portugaise au xvie siècle. Il nous est en même temps démontré que l’école dite de Madrid eut pour véritable précurseur le portugais Sanches Cœlho, que l’influence du tempéra­ ment portugais fut énorme chez Velasquez, dont les ascendants étaient originaires de Porto, et que la grande époque picturale de l’Espagne se clot avec un autre fils de Portugais, Claudio Cœlho. Si la fine et enveloppée manière flamande de voir et sentir ia lu ­ mière se fit admettre si facilement en Portugal, c ’est que ce pays est côtier, brumeux et que la domination arabe s’y fit moins sentir qu’en Espagne. De là également scn refus d’accepter sans résistance les canons esthétiques de l’Italie. U fait bon mettre en lu mière ces faits qui expliquent dans une certaine mesure comment l ’influence de la France fut le point de départ de la renaissance contemporaine. Notre art, en effet, se veut d’ abord expressif et personnel ; c ’est pourquoi il rayonna. Avec raison le brillant dramaturge Julio Dantas est allé demander à la tradition le secret d’ une rénovation théâtrale, et son art, comme celui deG rao Vasco, cherche à s’enraciner directement dans la vie por­ tugaise. Q u’il demande à l ’histoire ses sujets ou qu’il les emprunte au x événements de l ’existence quotidienne, c ’est au cœur q u’ il s ’a­ dresse, et il ne tire ses meilleurs effets que de l’intériorité de ses per­ sonnages. Les péripéties contrastées ne sont pas son fait; il aime m ieux émouvoir que surprendre. Sa récente comédie en un acte, Rosas de todo O anno, très dix-huitième siècle, met en scène un sentiment analogue à celui qui rendit célèbres les lettres de la Religieuse portugaise et constitue un agréable pendant au Souper des cardinaux. Ce pourrait être également le dernier acte en épilo­ gue de quelque Don Juan nouveau, encore que le personnage n ’ap ­ paraisse sur la scène qu’en portrait, aux mains de la pauvre nonne impuissante à arracher la passion de son cœur m eurtri. Ah ! cette confidence de la religieuse à l ’enfant innocente qu’il s’agit de sauver est une trouvaille de simplicité, et combien émouvante !