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REVUE DE LA. QUINZAINE 341 et inexplicable homme masqué, plus glacé encore que le mort par suicide qui s’est levé une heure de son tombeau, eût exalté, avec un enthousiasme plus fier et plus chaleureux, la volonté de se mêler à la vie, dont regorge tout être juvénile et qu’il ne lui est pas permis de réfréner en vain; j ’aurais voulu qu’il mît glorieusement en pleine lumière la beauté des choses terrestres et sensibles, la grandeur de l’instinct qui porte à tout admirer,à tout aimer, à tout étreindre. J ’au­ rais désiré une conviction fervente qui l’eût poussé à m agnifier à leur taille véritable la grandeur et la splendeur des plus matérielles réa­ lités^ proclamer avec orgueil l’ivresse héroïque de la sensualité et de l ’amour, la frénésie merveilleuse des effusions charnelles. Mais dans une œuvre destinée à combattre de fausses conceptions morales, implacables et stérilisantes, peut-être M. W edekind a-t -il estimé plus profitable de ne point transgresser les limites d’ une froide morale qui, admissible même à des esprits faussés par la reli­ giosité maladive de notre temps, signifierait déjà quelque relâche­ ment, quelque conciliation avec les nécessités d’ une vie plus réelle. C’est, il ne faut pas l’oublier, œuvre de combat plutôt qu’œuvre de principe. Le détail de l ’anecdote dramatique n’importe ici que secondaire­ ment. Dans une suite rapide de tableautins, coupés à la manière des drames deM . Maeterlinck, l’auteur nous expose l ’ingénuité de petites filles qui, innocentes et abusées, se trouveront, par les fatalités de l ’existence, détournées soit, comme lise, vers les noces et les fêtes insouciantes, soit, comme l ’attendrissante W en dla, vers une mater­ nité précoce, irrégulière et mortelle, sans même que leur candeur en soit effleurée, tant elles sont saturées du poison des fables puériles dont on les a volontairement perdues. D ’autre part, voici deux jeunes écoliers, dont l’un sait, non sans quelque forfanterie, et dont l’autre cherche, avec angoisse, avec peur. Quand il a découvert, ce dernier se tue; l’autre a cédé à la poussée de l’instinct, c ’est lui qui a rendu Wen dla mère ; il est chassé, comme élément de trouble dangereux, de son collège; son père, homme d’ordre et de justice, m algré les supplications de la mère qui croit encore avoir tout fait en inondant son fils du déluge continuel de prêches froidement moralisateurs, Je fait enfermer dans une maison de correction ; il s’en échappe, et c’ esl alors que, dans le cimetière où, se heurtant à la tombe fraîchement creusée de W endla, dont il se croit l’assassin, il voit apparaître d’ une part, portant sa tête sur son bras, son ancien ami mor’ qui veut l’en­ traîner vers le néant, d ’autre part l’homme masqué qui le décide à vivre et à se mêler aux vivants. Il vaut mieux ne rien dire de deux ou trois scènes ridiculement et lourdement caricaturales que les acteurs, MM. Dayle, Sauriac, Stengel, Ferny, Duperré, ont réussi avec succès à faire supporter.