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316 MERCVRE DE FRANCE— 16-XI-1908 QUESTIONS COLONIALES Lucien Hubert : L’Éveil d’un monde. L ’Œuvre de la France en Afrique Occi­ dentale, Paris, Alcan. — E. Jung: L’Avenir économique de nos colonies*(Indo­ chine, Afrique Occidentale, Con^o, Madagascar), Paris, Flammarion. — Le Con­ grès de l’Afrique du Nord. — Le prix de revient de la politique marocaine (Enquête du Courrier européen). — Memento. M. Lucien Hubert, député, qui s ’est, depuis plusieurs années, spé­ cialisé dans l ’étude des questions coloniales africaines, publie chez l’éditeur F élix Alcan , dans la «Bibliothèque d’histoire contemporaine», une importante étude sur l’ Œuvre de la France en Afrique Occi­ dentale. L ’auteur a donné à cette étude un fort beau titre : L’E v eil d’un m on d e.Ce faisant, il a évidemment été entraîné par l’intérêt qu’il portait à son œuvre et il en a condensé là toute la grandeur subjective. Ce monde qui naît est tout à fait en bas âge. Ce n ’est encore qu’ un enfant débile et balbutiant,réclam ant pour de longues années encore les soins vigilan ts de la métropole, sa mère. Mais, j ’admets volontiers l ’optimisme de M. Hubert, qui, là, comme dans son œuvre précédente consacrée à la politique fran çaise au Maroc, est d’un optimisme sincère et bien renseigné. Envisageant, dans un chapitre liminaire, l ’évolution de nos principes décolonisation, M. Hu­ bert constate justem ent les erreurs successives de la mentalité colo­ niale en France, il montre le bourgeois français estimant que « les colonies sont un placement de dupes » ,parce que ces pays nés d’hier ne remboursent pas immédiatement la métropole de ses débours. Il condamne, en passant, un peu trop délibérément peut-être, le système de grandes concessions mis en vigueur au Congo français en 1899, système q uia valu cependant quelques profits à cette colonie, puis­ que la seule concession des Sultanats du Haut Oubangui a versé à cette heure plus de deux millions dans les caisses du budget local. Ce chapitre général a pour conclusion un los enthousiaste en faveur de la « politique d ’association » et le même enthousiasme se retrouve aux dernières pages de l’ouvrage. M. Hubert déclare : <c Protégé, dirigé, éduqué par l’Européen, l ’indigène peut enfin vivre, se mul­ tiplier, s ’enrichir. Il est la matière sans laquelle rien n esecrée; nous sommes l ’esprit qui la vivifie. C ’est à nous de concevoir les voies, suivant lesquelles ces peuples, qui n ’ont rien pu donner spontanément à l’humanité, s ’élèveront à une pleine connaissance de leurs moyens, à un plus large rendement de leur énergie. Ils sont, eux, les auxi­ liaires obligés, la force juste qu’on guide et qu’on dirige, mais qu’il faut d’abord savoir capter et conserver. » Ironie des mots! cette dernière phrase pourrait parfaitement s’interpréter comme .un vœu de l ’auteur en faveur du rétablissement de l’esclavage! Mais, soyons de bonne foi; que retrouvons-nous ici sinon l ’éternel refrain idéaliste? C ’est le grand cliché socialiste : « Rendons le peuple conscient ! »