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REVUE DE LA QUINZAINE 3o3 0 triste jalousie I ô passion amère ! Fille d’un fol amour que l’erreur a pour mère. Dans un dernier chapitre sur la Mentalité de la Fontaine, M. Nayrac essaie de synthétiser les conclusions partielles des chapi­ tres précédents. Il le fait en petites phrases concises qui répètent l’essentiel des pages antérieures, et c ’est une excellente méthode. En résumé La Fontaine est un faible, un lymphatique, qui n ’à jam ais voulu faire effort pour s’adapter à la vie pratique. M. Nayrac nous le présente, avec quelques réserves, comme un neurasthénique, tou­ jours fatigué. Mais par cela même qu’il se sent toujours fatigué, il éprouve du plaisir à faire ce qui le réveille, l ’excite. Cette fatigue, qui a besoin d’être secouée, explique sa curiosité qui se veut tou­ jo u rs renouvelée. On trouve en lui un certain fonds de mélancolie, mais aussi un immense besoin de bonheur et la force de le chercher, et de le trouver. Sous ce titre Bon an, Mal an, M. Henri Lavedan a réuni en un volume des chroniques légères qui parurent, ces deux dernières années, dans /’Illustration. C ’est un journ al de la vie parisienne où l ’auteur relate les petits faits de l ’actualité, autour desquels il évoque ses propres souvenirs, avec un esprit qui ne manque pas d’ une certaine vulgarité. La caractéristique de M. Lavedan, c ’est d’être spirituel avec une petite pointe d’émotion. Parfois, on devine qu’ ij a fait effort pour être spirituel-et le lecteur doit aussi faire effort pour être réjoui ; il n’y arrive pas toujours. Sceptique sur beaucoup de choses, M. Lavedan retrouve sagravité lorsqu’il parle de l’Académie, « cette antichambre de la Postérité », il ne doute pas une seconde que l ’Académie ne soit le centre vivant de la littérature et qu’il n’y a pas de gloire en dehors d ’elle. A propos de l ’Académie, cette définition qu‘en donne M. Faguet : « En majeure partie un choix de vieillards qui se réunissent pour se regarder mourir. Rien de plus triste. » Au point de vue littéraire, M. Lavedan appartient à ce qu’on appelle la littérature du boulevard. Que M. Lavedan ne se fasse pas trop d’illusions, pas plus que’ l ’Académie, le boulevard n ’est l1 « antichambre de la Postérité ». A ce propos, les manuels qui traitent de là littérature actuelle seront tous à refaire, avant dix ans, lorsqu’on aura oublié que M. Rostand fut pris un instant pour un poète, et M. Abel Hermant pour le prince des romanciers. M. Jules Claretie, dans la Vie de P aris, 1907, nous apprend, par une citation d’un vieil Almanach des Spectacles, qu’ il ne faut pas confondre le succès avec la gloire. U n oisif a calculé qu’ en 1816 avaient obtenu, au théâtre des Variétés :