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seconde parte, à mille pas plus loin. À mille pas encore, un autre portique d’où s’aligne sur mille autres pas le défilé des Bêtes et des Hommes gardiens.

Deux par deux, couchés, puis debout, imaginaires ou connus, — lions, unicornes, éléphants, chameaux, chimères ou chevaux, officiers d’armée, officiers civils et grands fonctionnaires, ils forment une escorte magnifique et recueillie. Ils mènent la route vers le profond de la vallée. Là siège le Grand Ancêtre dont le nom familier fut… (mais évitons ce nom par respect), — et la marque d’années, Young-Lô.

Voici cinq cents ans qu’il règne encore sur l’assemblée des tombes. Douze autres se sont ajoutées à la sienne, de place en place, aussi loin que la vue dans les replis des monts. Ce fut un impérieux Empereur. Ayant détrôné son neveu timide, l’ayant fait tuer ou fait bonze en un couvent perdu, il rétablit sa dynastie sur des bases nouvelles. Il abandonna Nan-King, capitale du Sud, pour Pei-king qu’il nomma Cité du Nord. Avec lui, du midi au nord, montèrent dans la plaine tous les parfums, le soleil et les fruits. Il voulut des lacs et des lotus autour des palais ; il voulut des palmes sur ses vases. Il apportait vraiment toute la lumière avec lui. Un jour qu’il chassait près de ces montagnes, il reconnut le lieu propice et ordonna qu’il dormirait ici.

Comme toutes les habitations nobles, son tombeau n’est pas simple, mais nombreux. C’est une procession de murailles, de portes, de kiosques, de cours, de rampes et d’esplanades ; et tout aboutit à la montagne qui renferme le caveau. Or, parvenu moi-même à la Grande Salle, — que l’on dit être la plus vaste dans l’empire, — je ne gagnai point, cette année-là, — celle qui meurt en ce moment, — le réconfort coutumier de ma marche longue et lente. Je m’arrêtai sans conviction : le but ne me semblait pas atteint.

Je sais. Des gens récriminent sur la disproportion entre l’édifice et l’objet contenu dans l’édifice. Il faut avouer l’immensité du monument : une toiture ample aux courbes ori-