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LE SIÈGE DE L’ÂME


Tous ces tombeaux dynastiques m’avaient incliné moins vers le néant d’usage, que raffermi dans une posture familière : dois-je m’en réjouir ? Je ressens peu les lamentations sur la vanité des choses et la fuite d’un passé dont on est le maître, après tout, puisqu’il remplit notre présent joyeux.

Ce qui régnait d’ailleurs, aux Sépultures de l’Ouest, où le mort revêt les mêmes couleurs que le Vivant de ta ville interdite, — ou bien dans ces Tombes-Orientales où trône le fondateur des Ta-Tshing, — les Purs, — même les débris monumentaux qui jalonnent les routes et les âges dans cette Chine du Nord, impériale, hautaine et délabrée, ne m’apprenaient pas autre chose que la prolongation posthume, et, par le moyen des signes, la durée victorieuse des noms.

C’est dans cet esprit que j’atteignis la vallée des Treize-Sépultures, vallée close, barrée au Sud d’un quintuple portail qui en prend possession : au nom des Ta-Ming, les Brillants, dont le titre de règne unit, dans ce blason que fait tout caractère, le Soleil à la Lune afin de signifier toute la lumière.

Et j’abordai la route funèbre, étalée comme un cortège sur des milliers de pas, dallée ainsi qu’une voie d’Empire, sinueuse de haut en bas, de droite à gauche, et qui, par son dessin, sa lenteur, son ampleur, fait un acheminement digne et décuple l’état de piété. J’obéis donc à la stèle avancée : tous, officiers, civils et militaires sont invités à descendre de monture afin de processionner correctement. Je saluai la tortue sous son kiosque rouge. Je franchis une