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toujours prévenant, affable & facile ; il me dissuada d’écrire en vers.

Comme il ouvroit journellement sa porte à une multitude de versificateurs & d’auteurs débutans, il me dit un jour : Restez avec moi jusqu’à midi trois quarts ; voici l’heure que les poètes arrivent pour m’apporter leurs manuscrits : restez.

Je m’assieds. Un coup de sonnette part ; Crébillon ouvre : un auteur paroît ; il est vif & sémillant ; il se présente avec assez de grace, parle de même ; il prend une chaise, tire un manuscrit de sa poche. La conversation s’engage, & notre auteur dit des choses spirituelles. — De quel pays êtes-vous ? lui demanda Crébillon, qui approuvoit par an quarante à cinquante mille vers. — Des environs de Toulouse, reprit l’auteur. — Bon, laissez-moi votre manuscrit ; envoyez ou repassez après-demain, & l’approbation sera en règle.

Quand l’auteur fut sorti, Crébillon tenant le manuscrit en main, me dit : Je ne sais ce qui est là-dedans ; vous avez entendu