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Oh ! mon visage a bien raison. — Il a grand tort, & vous aussi ; je vous ordonne d’être riante. — Vous m’ordonnez l’impossible. — L’impossible ? & pourquoi, s’il vous plaît ? quel mal vous fait-on de vous marier avec un homme bien né, très-aimable, & sur-tout fort riche ? — Je crois tout cela, puisque vous le dites ; mais il est toujours bien cruel d’être livrée à un homme que l’on ne connoît pas. — Bon ! est-ce qu’on connoît jamais celui ou celle qu’on épouse ? ton futur ne te connoît pas davantage. Crois-moi, ma chère enfant ; je ne vois dans le monde de mauvais mariages, que les mariages d’inclination ; le hasard est encore moins aveugle que l’amour. Penserois-tu mieux connoître ton futur après l’avoir vu dix ans ; rien n’est si dissimulé que les hommes, si ce n’est peut-être les femmes. Celui qui desire, & celui qui possède, sont deux ; on ne sait jamais ce qu’un amant sera le lendemain de la noce ; & comment le sauroit-on ? il ne le sait pas lui-même ; c’est un hasard qu’il faut courir.