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Aujourd’hui la forme d’un livre l’emporte sur le fond. On ne parle que de l’arrangement des paroles, du choix, de l’élégance des termes, de l’arrondissment des phrases, de leur cadence ; on n’entend que ces mots : c’est mal écrit ; & le sens, la vérité, la justesse des idées, ne font point trouver grace devant des lecteurs délicats ou plutôt superficiels.

Le style à la mode, le style académique, est celui qui affecte d’être précis, qui raffine les idées & les expressions, qui met de l’esprit à tout propos, qui, loin d’être naturel, sent la gêne & la recherche ; peiné, fin, compassé, il vise constamment à l’épigramme. Il est fort en vogue chez quelques auteurs depuis quinze à vingt ans ; il proscrit les images, les métaphores : il évite sagement l’enflure ; mais il devient quelquefois louche & flegmatique. Ce style est toujours un peu froid, il comporte de petites idées, & tue les grandes.

Cette maniere étroite, quoiqu’ingénieuse,