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la rue ; il se précipite dans la vieille caisse avec une sorte de confusion, & sans oser regarder derriere lui. Si les flambeaux des chars dorés qui sortent éclairent son malencontreux équipage, il n’ose saluer les dames qui passent, & avec lesquelles il conversoit il y a six minutes. Le cocher à moustaches humilie le carrosse à trente sols par heure, & tout ce qu’il renferme, portât-il Homere ou Platon.

Or, une voiture est le but où veut atteindre chaque homme dans le chemin scabreux de la fortune. Au premier pas heureux, il établit un cabriolet qu’il conduit lui-mémo ; au second, vient le carrosse coupé ; au troisieme, carrosse pour monsieur ; puis enfin, carrosse pour madame.

Quand la fortune s’est arrondie, le fils a son cabriolet ; l’homme d’affaires de la maison a son cabriolet ; le maître-d’hôtel va à la halle en cabriolet ; bientôt le cuisinier aura le sien, & tous ces cabriolets, voitures infernales, livrées le matin à la valetaille impudente, roulent diaboliquement dans des rues sans trotoirs.