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de Rotat, de Chypre, de Pacaret, de Samos, de Malvoisie, de Madere, de Malaga, de Malaga-muscat, de Syracuse ; donnez quelques saillies aux convives pour la bouteille d’, de Rozé, & appuyez sur le Tokai, si vous le rencontrez ; car c’est à mon avis le premier vin de la terre, & il n’appartient qu’aux maîtres de la terre d’en boire.

Ô renversement de la joie françoise ! On ne boit plus, ou plutôt l’on craint de boire ; on avale de l’eau devant ces flacons qui raffraîchissent dans des seaux d’argent, & dans la glace pilée. La gaieté légere & brillante, si nécessaire aux écrits & à la santé, n’est cependant qu’au fond du verre ; mais l’avide esprit de calcul suit les gens à table. On y rêve encore à sa fortune ; on y parle de ses projets ambitieux ; on y immole ses victimes sous les traits de la satyre. Quoi, être encore dur à table ! Ô forfait ! On n’y jouit plus, & l’on a peur que Bacchus, qui chasse quelquefois de force toute dissimulation, ne vienne à dérouler le premier pli du cœur.