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droit appliquer ce beau vers de Voltaire ?

Il suffit qu’il soit homme & qu’il soit malheureux.

On dit qu’il y a en fondations charitables de quoi nourrir le tiers de la France. Comment se peut-il après cela qu’il y ait tant de misérables ? Le vice vient donc de la distribution. Ce qu’il y a de plus difficile, n’est pas de faire le bien, mais de le bien faire.

Le peuple aveugle & qui souffre accuse les administrateurs des maisons de charité. Quand il les voit au bout de quelques années étaler un équipage brillant, ouvrir une maison magnifique, dresser une table somptueuse, il pense que cette opulence est prise sur la part du pauvre. Mais ce crime me paroît si monstrueux que, malgré les apparences, je persiste à le croire impossible ou du moins chimérique.

Des ames charitables, au lieu de déclamer inutilement, ont pris à tâche d’essayer la pratique & de vaincre les préjugés & les obstacles qui s’opposoient aux projets d’une bienfaisance active. Leurs yeux ont vu, leurs mains ont palpé ; les détails n’ont point rebuté leur