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est plus forte que lui. Une angoisse amere abat son cœur ; en perdant ses agrémens, elle sent qu’elle perd son existence.

Quoi, ceux qu’elle avoit enchaînés à son char, bientôt ne laisseront plus tomber sur elle qu’un regard de complaisance ! Ceux qu’elle a rebutés triompheront en voyant ses attraits flétris ! Ce monde qu’elle a trompé & dont elle étoit l’idole, à peine se souviendra d’elle ! Bientôt elle ne devra plus qu’à la politesse, ce qu’elle devoit à l’amour. Ses regards inviteront en vain les regards de ses voisins ; dès qu’on l’aura fixée, on détournera les yeux. Quel état pénible, sur-tout lorsque le cœur est encore avide du desir de plaire, lorsque l’on veut toujours paroître, & que personne ne s’empresse à vous remarquer !

C’est alors qu’une femme, exilée de la société, ressent un chagrin cent fois plus vif que le ministre ambitieux qui se trouve tout-à-coup dépossédé du pouvoir dont il étoit si fier & si jaloux. Tous deux versent des larmes secretes, en jetant de loin un coup-d’œil vers