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Tandis que ces hideuses voitures vous estropient ou vous ennuient, il est défendu à la charrette oisive, au cabriolet léger, au fiacre vuide, au fourgon commode, de voiturer personne sur cette route royale. Vous devinez bien, lecteur, sans que je le dise, qu’il s’agit là encore d’un beau privilege exclusif.

Mais que le carrabas & le pot-de-chambre sont éloquens ! Ils semblent vous annoncer la foule de désagrémens qui vous attendent dans ce lieu de splendeur, ils vous disent de rétrograder ; mais on n’entend pas la morale que vous donne le pot-de-chambre. On avance, on prie, on sollicite, on perd des années, on use sa vie dans l’attente.

Que le petit ambitieux, que l’intrigant, que le froid adulateur, que l’extravagant à projets soient cahotés dans ces voiture ; ils le méritent bien ; mais à ceux qui n’ont que la curiosité pour objet, qui veulent voir le même jour, la ménagerie, les statues & les princes, qu’importent de beaux chemins, s’ils ne peuvent y voyager à leur fantaisie, s’ils