Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VIII, 1783.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 103 )

bles aux comédies de Moliere ? On répond sans hésiter : Eh ! c’est la philosophie moderne qui en est cause ; car de quoi ne l’accuse-t-on pas ?

Si Moliere revenoit parmi nous, il pourroit, il est vrai, changer l’habit de ses personnages ; mais il auroit la même force, la même franchise de pinceau, la même naïveté. Tout entier à l’action & à la vérité, il n’auroit ni bel-esprit, ni phrases gentilles, ni papillotages, ni tout ce qui tue la nature en montrant l’art. Il devineroit le trait simple, fait pour nous faire rire malgré nous, parce qu’il auroit la connoissance du cœur humain. Ce trait existant & caché, il est sans cesse sous nos yeux, & nous ne le voyons pas ; mais lui, avec son coup-d’œil, le saisiroit habilement, & nous ririons alors, autant du plaisir de le voir, que de surprise de l’avoir manqué.

C’est le génie qui maîtrise une nation indépendamment de ses formes particulieres & changeantes. Il ne reçoit point la loi ; il la donne. Le luxe, la mode, les idées du jour,