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l’homme de génie, qui s’apprête à courir cette lice glorieuse, tombe & pleure aux pieds d’une barriere invincible qui arrête sa noble impatience. Désespéré, il laisse échapper ses crayons & sa palette chargée de couleurs ; il reste dans une inaction funeste à l’art & à lui-même. Obligé de renoncer, en soupirant, à la gloire qu’il idolâtre, il frémit en vain à la porte de la carriere qui ne s’ouvre point. C’est ainsi qu’au lieu de favoriser l’essor impétueux du génie, on se plaît à l’anéantir.

Le public y perd de grands tableaux, qui intéresseroient sa sensibilité & qui ajouteroient à ses plaisirs délicats ; mais il faut tout immoler aujourd’hui à la groupe des comédiens, les privileges des auteurs & la gloire nationale. Qu’est-ce après tout qu’un chef-d’œuvre nouveau, touchant, instructif, si on le compare au minois d’une actrice ?

Au milieu de ces entraves, on ne craint point de toucher à une question délicate. Les gens du monde vous disent : Pourquoi ne fait-on pas aujourd’hui des comédies sembla-