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Les hommes opulens sont bientôt réduits au malheur de ne plus rien sentir. Leurs ameublemens sont une décoration changeante, leurs habillemens une servitude journaliere, leurs repas une parade ; & le luxe les tourmente, je crois, comme le besoin tourmente l’indigent. C’étoit bien la peine de lui tout sacrifier !

J’étois assis ces jours derniers à la table d’un homme opulent. Il soupiroit. Qu’avez-vous ? lui dis-je. Vous n’êtes point malade ; vous n’avez à craindre ni le présent, ni l’avenir ; votre femme, vos enfans sont en bonne santé ; aucun malheur ne les menace. Il ne dit mot. Il me présenta un fruit d’une rare beauté. Je l’ouvris ; un ver en rongeoit le cœur. Et moi aussi, me dit-il, un ver me ronge ; mais ce ver est invisible. Je ne pus en savoir davantage.

Ce qui tourmente les riches à Paris, c’est peut-être l’enchaînement de leurs folles dépenses : ils vont toujours plus loin qu’ils ne veulent. Le luxe a pris des formes si horrible-