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s’aveugle elle-même ; cependant elle croit pouvoir décider d’un livre comme d’un pompon. La paresse de son esprit l’empêche d’examiner ; le peu d’énergie de son ame ne lui permet pas de saisir les traits marqués ; sa légéreté repose sur quelques détails, & ne peut embrasser le plan. Elle prononce comme elle sent, d’une maniere vague, incertaine & peu sûre.

Qu’elle ouvre sa porte à cet essaim d’auteurs qui, sans nom & sans talens, sont dix fois plus orgueilleux que les auteurs connus. Ils arrivent pour mettre à contribution son ton admiratif. Le satyrique vient chercher près d’elle des traits propres à la comédie. Elle siege sur son petit tribunal, où en jugeant elle est jugée la premiere. Obligée de louer ceux qui sont présens, les derniers venus se montrent jaloux. Alors la division se met dans la troupe ; elle veut concilier les mécontens, & des jugemens contradictoires sortent de sa bouche. L’aigreur devient acharnement ; elle auroit plus tôt pacifié les puissances belligérantes, que de réunir ces partis opposés.