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l’autre. Ces poëtes parlent des ris, des jeux & des graces, qu’ils n’enchaînent que dans leurs hémistiches. Ils vous entretiennent de leurs fêtes & de leurs plaisirs, sans vous donner envie d’y assister ; car tout en disant aux autres, allons, mes amis, rions, chantons, abandonnons la gloire pour les beaux yeux de nos maîtresses, leur visage s’alonge & fait la moue.

On pourroit dire à ces muses grimacieres ce qu’un homme disoit à une femme qui faisoit des mines : trompeuse, tu mens au rire.

Quand on lit les vers de Chapelle, de Chaulieu, de Coulanges, de Panard, de Collé, on prend part à leurs douces orgies, on est à table avec eux ; on sent que leurs plaisirs n’étoient pas une illusion, & on les voit aussi francs dans leur abandon, que nos poëtes modernes sont contraints, gênés, en alambiquant leur esprit pour chanter leurs jouissances ; & ce qu’on voit de mieux dans leurs vers, c’est que celles de l’orgueil leur sont constamment les plus cheres.