Page:Mercier - Tableau de Paris, tome V, 1783.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 250 )

réflexion pour donner la préférence à un autre morceau, ont été dédaignés des marmitons ; ils sont destinés à descendre dans l’estomac des pauvres, aussi maigres que les marmitons sont gras. Ceux-ci les ont ramassés pêle-mêle & les ont vendus à des regratiers qui les exposent à l’air. Hélas ! qui en sera friand ? Voyons : ventre affamé n’a point d’oreilles ; mais il a des yeux. Sur le soir, un indigent enveloppé d’une redingotte, descend de son grenier & vient acheter ces restes dégoûtans, sur lesquels la valetaille a bavé ; il les cache & les emporte. C’est un honnête homme que des revers ont précipité dans un état obscur ; il est bien moins nourri, moins bien couché, moins heureux enfin qu’un laquais.

L’homme charitable, mais qui craint de mal placer son aumône, devroit se faire l’honorable espion de ces échoppes ; il pourroit veiller à côté de ces plats froids & livides, qui ne peuvent tenter que la famine en personne. À coup sûr, ce sont de vrais infortunés que ceux qui vont là pour y chercher leur