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a permis que mes yeux s’ouvrissent. Il est vrai que tu ne pouvois me donner ce que tu n’avois pas en toi-même, & que mon pere t’avoit choisi tout exprès ; mais du moins tu pouvois me mettre sur la route, & reconnoissant ton insuffisance, me livrer à ces bons livres que j’ai lu depuis, qui forment l’esprit au raisonnement, l’ame aux choses élevées, & le cœur au sentiment de l’humanité. J’aurois appris alors quelque chose des devoirs de l’importante & redoutable fonction où le ciel m’a appellé. J’aurois pu comprendre ce qu’étoit un prince à la tête d’un peuple, & la chaîne qui lie le trône à l’état & le souverain au sujet. Bien loin de là, tu as mis dans ma tête que j’étois un être isolé, fort & puissant, & que je ne dépendois que de ma volonté. Ainsi tu m’as voulu insinuer la plus grossiere des erreurs & le plus dangereux des mensonges. J’allois me briser sur l’écueil, & en hâtant ma perte, fatiguer des millions d’êtres sensibles qui, au lieu de me bénir,