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de mon pays, tu as étendu un voile sur tout ce qu’il m’importoit de savoir. Que ne confiois-tu le dépôt de mon éducation à un homme plus habile & plus intelligent que toi ? Ne savois-tu pas que la nature ne doue un enfant d’une heureuse mémoire, que pour qu’on mette à profit ce tems précieux, comme le plus propre à graver dans son cerveau souple & obéissant, les belles connoissances qui doivent y demeurer fortement imprimées pour la conduite de l’homme pendant le reste de sa vie ? Au lieu de diriger mon esprit avide & qui s’élançoit par instinct vers les grandes choses, tu l’as resserré ; tu l’as presqu’éteint dans la froide & seche spéculation de misérables mots & de questions vaines qui ne satisfont en rien, & qui ne peuvent m’être d’aucun usage ni dans mon conseil ni dans le cours de ma vie ; tu as gâté mon naturel heureux ; tu as desséché mon imagination, & tu allois faire de moi un sot dangereux sans le secours de la Providence qui