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dissemens à la dextérité & aux succès de tant de mains habiles.

Mais il est nécessaire aux chirurgiens d’être sensibles ; ils ont besoin d’une vertu pratique bien importante, du respect profond que l’on doit à tout être souffrant ; celui qui connoît la douleur peut-il repousser la pitié ? Eh ! qui ne l’a pas connue la douleur ? qui n’est pas exposé cent fois le jour à ses nouvelles atteintes ? Le chirurgien doit donc adoucir des tourmens qu’il peut éprouver lui-même le lendemain. Il doit avoir cette humanité vigilante qu’il réclameroit dans l’accès de la souffrance. Qu’importe un art salutaire s’il a l’aspect du supplice ; si le fer qui doit guérir étincelle dans la main d’un homme qui, par un sang-froid détestable, se rapproche d’un bourreau ! La sensibilité est donc aussi nécessaire que l’adresse. Il faut voiler aux yeux de la victime l’instrument qu’elle redoute, il faut lui porter des paroles douces & calmantes. Les angoisses & les terreurs de l’ame sont bien plus cruelles que la douleur physi-