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provinciaux. On diroit qu’ils sont humiliés de la présence des superbes coursiers, qui ne les regardent qu’avec dédain.

Puisque nous tenons deux enragés, & que nous sommes sur la route incessamment battue, allons à la cour, accompagnons cette famille provinciale, qui accourt du fond de sa petite ville pour voir le roi, les appartemens & le grand couvert ; (ils ont déjà vu le dôme & les marmites des invalides.) Tous sont fagotés, Dieu sait ! la robe de madame ressemble à une tapisserie de haute-lisse ; mademoiselle rapporte une mode qui n’a que vingt-cinq ans, & qui est toute nouvelle dans son pays ; elle est dans l’attente de l’effet que produiront ses charmes ; elle est grasse & fraîche, mais ses appas ont une rondeur qui sent la nullité de la province. Le père a un habit de velours qui n’est râpé qu’à certains endroits ; c’est le pli économique de l’armoire qui n’a pu s’effacer. Ce sont d’honnêtes gens ; mais on va se moquer d’eux : ils ne s’en appercevront pas ; ils trouveront tout le monde fort poli : c’est un peuple ricaneur