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plus amoureux ; on n’a que des fantaisies. Rien de plus rare qu’une vraie passion. Or, du temps qu’en France l’amant battoit sa maîtresse, & que le père de famille battoit sa femme, sa fille, sa servante, l’amour régnoit encore : car, battre ce qu’on aime, lui donner quelques soufflets, voilà le secret du cœur vivement épris, & les preuves d’un grand amour. Ces petites injures, on les répare avec usure par des larmes brûlantes & par des flots de tendresse. Quiconque n’est ni jaloux ni colère, ne mérite pas le titre d’amant ; il n’y a point d’amour sans ces fureurs momentanées, qui se transforment en plaisirs vifs & en voluptés nouvelles.

Les femmes de nos jours sont indépendantes ; elles ne veulent pas même être grondées, encore moins battues. Les infortunées ! elles ne connoissent pas tout le prix d’un soufflet qu’applique l’amoureuse colère, l’avantage inappréciable d’une robe déchirée. Elles perdent les inconcevables baisers de l’amour. Combien elles sont