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usages ridicules, si familiers à nos ancêtres, malheureux prosélytes d’une coutume gênante & contrariante, qu’ils appelaient honnêteté.

La table étoit pour eux une arene, où les assiettes renvoyées, faisoient sans cesse le tour, jusqu’à ce que, venant à se rencontrer dans un choc impétueux, elles se brisoient sous les mains civiles qui s’efforçoient de les passer à leurs voisins. Pas un moment de repos ; on se batailloit avant le repas & pendant le repas avec une opiniâtreté pédantesque, & les experts en cérémonies applaudissoient à ces puériles combats.

Les demoiselles, droites, silencieuses, immobiles, corsées, busquées, les yeux éternellement baissés, ne touchoient à rien sur leurs assiettes ; & plus on les pressoit de manger, plus elles comptoient donner une preuve authentique de tempérance & de modestie en ne mangeant pas.

Au dessert elles étaient obligées de chanter ; & le grand embarras étoit de pouvoir chanter