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rire, qui ont à côté d’elles leurs amans ; elles s’occupent plus de ce qui les environne, que de l’auteur & de sa piece. Une inflexion de voix, un mot, un geste, un rien suffit pour disposer les caracteres à la plus grande gaieté. Qu’une femme rie par hasard, une autre éclatera, & tout le cercle fera de vains efforts pour contraindre sa belle humeur. Que deviendra le pauvre auteur avec son rouleau de papier ? S’il montre du courroux, il paroîtra plus ridicule encore ; qu’on ne l’écoute point, ou qu’on l’entende mal, il est obligé de continuer. Le voilà sur la sellette, exposé à toutes les réflexions malignes ! On corrige tout bas son amour-propre qui perce dans son débit ; il s’en doute : il gesticule avec plus de véhémence, comme pour forcer les suffrages : ce n’est plus un auteur, c’est un comédien.

Et pourquoi lire à d’autres qu’à ses amis ? Pourquoi prendre d’autres juges que le public ? Pourquoi se montrer si jaloux d’une approbation équivoque ? Enchanter un cercle ou une cotterie, n’est-ce pas rétrécir l’idée qu’un