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gion. Il y voit un vieillard moribond, étendu sur des haillons dégoûtans. Il étoit seul : une botte de paille lui servoit de couverture & d’oreiller ; pas un meuble, pas une chaise ; il avoit tout vendu, dans les premiers jours de sa maladie, pour quelques gouttes de bouillon. Aux murs noirs & dépouillés pendoient seulement une hache & deux scies : c’étoit là toute sa fortune, avec ses bras, quand il pouvoit les mouvoir ; mais alors il n’avoit pas la force de les soulever. Prenez courage, mon ami, lui dit le confesseur ; c’est une grande grace que Dieu vous fait aujourd’hui ; vous allez incessamment sortir de ce monde, où vous n’avez eu que des peines… Que des peines ? reprit le moribond d’une voix éteinte. Vous vous trompez ; j’ai vécu assez content, & ne me suis jamais plaint de mon sort. Je n’ai connu ni la haine ni l’envie : mon sommeil étoit tranquille ; je me fatiguois le jour, mais je reposois la nuit. Les outils que vous voyez, me procuroient un pain que je mangeois avec délices, & je n’ai jamais