Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 104 )

charmes. Toute victime de la débauche est toujours une froide prêtresse de l’amour.

Une fille est enlevée au pouvoir paternel, dès que son pied a touché les planches du théatre. Une loi particuliere rend vaines les loix les plus antiques & les plus solemnelles. Cette fille d’opéra se montre aux foyers toute resplendissante de diamans : elle est respectée de ses compagnes, à raison de sa robe éclatante, de sa voiture légere, de ses chevaux superbes. Il s’établit même un intervalle entr’elles, selon le degré d’opulence, & l’on ne diroit plus que la plus riche fait le même métier. Elle reçoit avec hauteur celle qui débute : elle traite avec les airs d’une femme de qualité, le bijoutier séduisant & l’industrieuse marchande de modes. Le magistrat déride son front en sa présence, le courtisan lui sourit, le militaire n’ose la brusquer. Sa toilette est tous les matins surchargée de nouveaux présens : le Pactole semble rouler éternellement chez elle.

Mais la mode qui l’éleva, vient à changer.