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moyen factice, employé pour leur procurer un accroissement précoce. L’oserai-je dire ? il en est de même des esprits : on les fume en quelque sorte ; c’est-à-dire, qu’on les pousse, qu’on les surcharge. On veut voir des petits merveilleux étaler à quinze ans une érudition fastueuse ; on croit avoir formé le jugement, quand on a chargé la mémoire. Plusieurs peres aveuglés tombent dans cette erreur fatale. Ils voient des dispositions dans leurs enfans ; ils ruinent leur santé, pour en faire des savans. Les malheureux prix de l’université achèvent de tourner la tête à ces peres, qui s’imaginent que c’est là le dernier terme de la gloire, & que l’univers a les yeux fixés sur l’écolier qu’embrasse le premier président. Aussi le Parisien, qui en général a de l’esprit à dix-huit ans, est un homme ordinaire à vingt-cinq ou à trente, parce qu’on a épuisé ce qu’il avoit de forces pour l’étude. Sorti du college, il a tant de mots dans la tête, que les idées ne peuvent plus s’y loger.