Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 20 )

les plus robustes sont ruinés par cette intempérance journaliere : pourquoi ne leur laisse-t-on pas le vin dans toute sa salubrité ? Ils l’eussent préféré.

D’après ce goût récent & funeste, une quantité considérable de tabagies s’établirent dans tous les quartiers, sur-tout dans ceux habités par la lie du peuple. Vous trouvez dans ces antres enfumés, des ouvriers fainéans qui passent crapuleusement la journée à boire lentement cette liqueur meurtriere. La fumée du tabac leur tient lieu de nourriture ; c’est-à-dire, qu’elle les plonge dans une sorte d’engourdissement qui leur ôte l’appétit, ainsi que la vigueur & l’énergie.

Des fils d’honnêtes artisans vont se perdre sans ressource dans ces asyles de l’oisiveté, où ils sont attirés par les turlupinades grossieres qui s’y répetent du matin au soir ; car ce lieu infect a encore son orateur & son plaisant.

La plus remarquable de ces tabagies est au fauxbourg Saint-Marceau ; là se refugient pendant le jour les dégoûtantes créatures des