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qui deviennent obscurs & languissans. Oh, qui peut les contempler, qui peut ouir les soupirs amers de cette créature immolée à l’homme !

Des bras ensanglantés se plongent dans ses entrailles fumantes, un soufflet gonfle l’animal expiré, & lui donne une forme hideuse ; ses membres partagés sous le couperet vont être distribués en morceaux, & l’animal est tout à la fois enseigne & marchandise.

Quelquefois le bœuf, étourdi du coup & non terrassé, brise ses liens, & furieux s’échappe de l’antre du trépas ; il suit ses bourreaux, & frappe tous ceux qu’il rencontre, comme les ministres ou les complices de sa mort ; il répand la terreur, & l’on fuit devant l’animal qui la veille étoit venu à la boucherie d’un pas docile & lent. Des femmes, des enfans qui se trouvent sur son passage, sont blessés ; & les bouchers qui courent après la victime échappée, sont aussi dangereux dans leur course brutale que l’animal que guident la douleur & la rage.

Ces bouchers sont des hommes dont la