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partient à tous. Les Néologues sont par-tout, à la halle, comme au forum, à la bourse, comme au sénat ; ils sont par-tout où la liberté féconde le génie, où l’imagination s’exerce sans contrainte sur les modèles de la nature, où la pensée peut éclairer l’autorité et braver la tyrannie, où rien ne gêne cette populaire gaîté, si ingénieuse à signaler un sot, à punir un important, et à résoudre, par un ridicule, les problèmes de la renommée ; ils sont par-tout où l’homme pense comme il sent, où il écrit comme il pense ; par-tout enfin où le bonheur l’attache à la défense de ses droits et à l’accomplissement de ses devoirs.

Marquer au langage d’insurmontables limites, l’enchaîner dans l’état de mort, et cependant prétendre aux créations de la pensée et aux progrès de l’esprit humain, c’est une chose absurde, et même impossible.

Quoi ! le génie qui perfectionne sans relâche les instrumens qui protègent son audace, et qui fait, dans un étroit laboratoire, des merveilles du ciel et des mystères de la terre, les objets familiers de ses méditations, s’éteindra tout-à-coup, au gré d’un puriste, lorsque de nouvelles conceptions réclameront de nouveaux signes !

Qui peut dire d’une langue vivante, qu’elle a atteint sa perfection, et qu’étendre son domaine, c’est la corrompre ? N’est-ce pas au contraire,