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anglaises qui avaient métamorphosé nos princes en autant de jockeys ; ses prodigalités encourageaient celles de la reine ; on blâmait leurs liaisons ; et leurs dilapidations communes faisaient dire que le trésor public était au pillage. En effet, les revenus du comte d’Artois ne suffisant point à ses dépenses, le roi avait plusieurs fois payé ses dettes, toujours renouvelées, et il en restait encore plusieurs millions à son départ. Mais il est à remarquer que Monsieur, qui était aussi économe que son frère était prodigue, se faisait toujours donner l’équivalent de ce que Mr d’Artois recevait pour alimenter ses créanciers.

Les vieilles tantes du roi, comme animées d’un esprit de divination, insistèrent tant pour sortir de France, qu’elles y parvinrent enfin. Arrêtées à quelques lieues de Paris, elles surent franchir le pas. Il est très vraisemblable que le plan de décampement ayant été arrêté pour toute la famille royale, elles n’avaient fait que prendre les devants. Elles allèrent donc à Rome, trouver le pape et l’abbé Maury, le grand inventeur de l’émigration. Mais voici que les troupes françaises, au moment que j’écris, entrent à Rome comme de plein-pied, que nos soldats plantent le drapeau tricolore sur les murs du Capitole, et qu’ils disent aux ombres de Caton, de Brutus et de Pompée : Réjouissez-vous, votre République est ressuscitée.

On n’a pas fait assez d’attention dans le temps à la mort de Choiseul, lorsqu’il allait rentrer dans le ministère, ou plutôt être le seul ministre. Cet événement priva la caste vampirique d’un protecteur ardent et adroit ; il eût soutenu l’aristocratie : et si les nobles ont osé menacer nos frontières, s’unir à Léopold et à François II, s’armer contre la patrie d’un fer sacrilège, lever des troupes, traiter avec des puissances étrangères, donner à un de leurs complices le titre de Régent du Royaume, que n’eussent-ils pas fait, ayant pour roi un Choiseul qui leur aurait soumis le monarque.

Il faut avouer, Versailles qui voulait faire contrepoids, était devenu le jouet de Paris ; mais l’imagination