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du mépris, et que sa conduite avait inspirée. Lorsqu’elle fut en face du Palais Royal, elle ne put dompter un signe d’indignation : c’était de ce palais qu’était sorti son épouvantable revers. Elle tomba évanouie sur l’échafaud ; tous les spectateurs furent aussi tranquilles que si c’eût été une victime ordinaire. Il n’y eut ni propos insultants, ni outrages, ni larmes, ni regrets.


On dit qu’un poète russe fait des tragédies sur tous ces personnages détrônés : c’est ainsi qu’il faut trois mille ans, ou une grande distance de lieues pour agrandir et pathétiser ce qui de près et sous nos yeux n’inspira que des émotions fugitives et légères.

Mais le brillant comte d’Artois, jeune écervelé, marié à tous les plaisirs, qui, pour toute littérature, savait la Pucelle par cœur, que dit-il, que pense-t-il de tous ces revers ? Lorsqu’il était abandonné à toutes les voluptés et que la royauté ne semblait être faite que pour protéger ses goûts et les payer, soupçonnait-il, comme on dit, son étoile ? Se souvient-il du jour où il tournait tout Paris à cheval, pour visiter les portes par où les troupes devaient entrer pour saccager la ville ? A-t-il oublié le moment où les gardes-françaises ne semblaient attendre pour mettre bas les armes, que l’ordre qu’il leur donna de faire feu sur le peuple ? Tant il était estimé et chéri !

Qu’a-t-il fait au delà du Rhin ? de quelle gloire s’est-il couvert ? qu’a-t-il fait pour toute cette aristocratie dont il est le digne chef ? Quel dédommagement offre-t-il aux émigrés ? Est-ce d’après son plan qu’on envoya à la destruction la meilleure partie d’un corps qui vint dernièrement se faire fusiller à Quiberon, d’un côté par les Français qui défendaient leur République, et de l’autre par les Anglais eux-mêmes qui venaient de vomir ces émigrés sur la côte.

La principale cause de la ruine de la cour, ce fut sans doute ce comte d’Artois : sa fierté déplaisait à tout le monde. Il avait introduit en France toutes ces manies