Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.

publique. L’histoire récente du collier, son amour désordonné pour l’empereur son frère, sa haine présumée pour la France, ne lui conciliaient point les respects du peuple. On se rappelait son arrivée dans les cours de Versailles, qui avait été signalée par un grand coup de tonnerre, et trois mille infortunés étouffés à la place de Louis XV au milieu des réjouissances de son mariage, à cette même place qu’elle devait elle-même ensanglanter ; l’acte de comédienne trop répété, celui de montrer son fils au peuple, d’en faire son égide, de le traiter comme son roi : ce mouvement emprunté de nos tragédies, devint ridicule, surtout depuis qu’après ses manières, sa pétulance, ses courses nocturnes, elle eut fourni des armes à la médisance ou à la calomnie, et qu’on se fut accoutumé à regarder le petit prince comme le fruit de ses débauches. On ne parlait que de ses dérèglements : ils furent tels, vrais ou supposés, que ce ne fut qu’à cette époque que l’on parla publiquement d’un vice presque inconnu, qui n’avait point de nom dans notre langue, et dont, pour comble d’horreur, son exemple semblait éteindre le scandale.

L’histoire dira ce qui précipita le supplice de la reine, je n’en connais point les détails : mais je suis autorisé à croire que les auteurs de la mort de Louis XVI, menacés dans leur existence, réagirent avec audace, et voulurent faire croire à leurs ennemis qu’ils n’avaient pas peur, et qu’ils pouvaient les braver. La peur a joué un si grand rôle dans notre révolution, son autel fut si large, qu’on attribua souvent à la politique, à l’ambition, à des vues profondes ce qui ne fut fait que pour étourdir un adversaire, et le frapper lui-même de crainte et de terreur ; et ce qui sert à le prouver, c’est que la sœur du roi, qui n’avait d’autre crime que celui de sa naissance (pour parler le langage du temps), ne fut pas épargnée, et qu’il est impossible d’imaginer aujourd’hui quels purent être les motifs d’une pareille exécution.

Braver les têtes couronnées, les humilier, rendre toute