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PRÉFACE

Si le Tableau de Paris de Sébastien Mercier est l’étude la plus précieuse que nous possédions sur une époque où la monarchie, encore dans toute sa gloire, laissait les princes et les courtisans se jouer du peuple, de sa misère et de ses plaintes, si, dans ce volumineux ouvrage, nous trouvons notre parfaite documentation sur les mœurs, les talents et les vices des habitants de la capitale, en même temps que la révélation des amusements de la Cour, de la toute-puissance de la noblesse, des Tuileries à Versailles, nous devions à notre travail commencé par la réédition de ce Tableau de Paris[1], de lui donner une suite dans l’ouvrage actuel.

Ici nous n’en sommes plus au temps où Voltaire et Rousseau effarouchaient la foule résignée en osant parler en son nom et exposer ses griefs. La Révolution, prévue et prophétisée par Mercier, s’est accomplie ; ses raisons ont triomphé, son courage a sapé les institutions royales, ses horreurs et ses beautés se sont exercées en toute indépendance, sa tyrannie républicaine a vaincu la tyrannie royale et le peuple, déchaîné et sanguinaire, a poussé aussi loin qu’il lui a plu son besoin de vengeance et de châtiment.

C’est ce Paris désorganisé par la révolte et les émeutes, c’est cette population diminuée par la fusillade et la guillotine que Mercier nous décrit ici, et nul mieux que lui n’était désigné pour étudier les événements, leurs causes et leurs conséquences. Mêlé à la bataille, membre de la Convention, suspect à son tour et emprisonné, il a tout vu et tout compris dans cette phase unique, épouvantable et sublime, de notre histoire. Et, quand la liberté lui fut rendue, quand le calme du Directoire lui permit de reprendre ses travaux, c’est alors qu’il pensa à utiliser ses notes prises au hasard des journées de sang et de

  1. Voir l’édition en un volume, avec les gravures de Dunker, parue chez Louis Michaud.